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Cameroun: Covid-19 une epidemie de trop

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24 Avril 2020
Cameroun: Covid-19 une epidemie de trop

Le boulevard vers l’hecatombe?


Depuis le 6 mars 2020 date de confirmation du premier cas d’infection du COVID-19 au Cameroun, je veux croire, oser espérer de toutes mes forces qu’on évitera le pire, celui que prévoient les Institutions sanitaires mondiales à l’instar de l’OMS, et d’autres acteurs du secteur médical, notamment les lanceurs d’alerte crédibles ou non; et dont les statistiques effrayantes voire apocalyptiques prévoient une exponentielle contamination au Corona virus dans les jours qui suivent.

Mais en face- je dois l’avouer -mon simple espoir de survie commun d’ailleurs à mes concitoyens, est un désespérant voeu d’Africain. Se dresse devant, une inquiétante et effrayante réalité. Sans conclusion hâtive ni émotion debridée, et toute proportion gardée à la mesure du possible; il semble évident que le Cameroun -comme beaucoup de pays du continent- n’est pas structurellement, financièrement, psychologiquement et politiquement prêt pour affronter une telle crise sanitaire qui paralyse l’humanité, autant elle défie le génie médical mondial. L’heure est à la remise en cause des compétences stratégiques au coeur des systèmes sécuritaires des nations même les mieux structurées et les plus riches de la planète. L’espèce humaine est vulnérable, nous vivons le revers des valeurs morales, culturelles, philosophiques, religieuses et spirituelles sur lesquelles s’est erigé notre orgueil.

Cela dit, la route semble bien longue. Quant au Corona virus, son emprise sur les populations innofensives et demunies s’accélère à un rythme qu’on voudrait certainement « minimiser » pour contenir et maîtriser les risques de d’instabilité sociale et institutionnelle qui pourraient ne pas tarder à se déclencher. Le mal ira grandissant si les réponses et les mesures du gouvernement camerounais mises en place pour affronter le « global Killer » mondial ne s’améliorent rapidement. les lendemains risquent donc de s’avérer très douloureux.

J’ai présent en mémoire, au moment où j’écris cet article, l’effroyable souffrance du peuple italien qui subit d’énormes et lourdes pertes humaines. Je rends ici hommage à tous ceux qui voient désespéremment mourir quelqu’un qui leur était si cher. Je salue aussi la mémoire de Manu Dibango, illustre saxophoniste Camerounais de renommée internationale, disparu à Paris il y a quelques jours.


Faibles moyens de lutte, organisation insatisfaisante

Instauré le 31 mars 2020 par le Président de la République du Cameroun, environ un mois après, un Fonds Spécial de solidarité nationale est dedié au financement de cette autre guerre de plus, contre le Covid-19. Mais si la mesure de Paul Biya est une réponses normale, elle est loin d’être salutaire. Les caisses du Fonds ne remplissent guère, la cagnotte est lègère. L’une des causes serait que ceux qui auraient pu constituer le’essentiel des bienfaiteurs et potentiels donateurs, sont en grande partie, d’anciens fonctionnaires ou homme d’affaires véreux mis aux arrêts et toujours en détention pour corruption et détournements massifs des fonds publics; conséquence de l’émergence d’une bourgeoisie bureaucratique qui a sérieusement ralenti l’émergence économique.

Sur le plan pratique, aux besoins prévisionnels d’une potentielle contamination massive, les moyens matériels et humains à déployer seront insuffisants, tandis que ceux déjà mobilisés s’avèrent dérisoires, comparés à ceux des pays voisins dans lesquels la pandémie pourrait être moins sévère.

En rappel, suivant l’OMS en 2016, l’espérance de vie au Cameroun oscillait entre 56 et 57 ans; pour une population estimée environ à 23 439 000 habitants. Plus inquiétant, l’OMS révèle dans son rapport 2016, que la dépense annuelle totale consacrée à la santé d’un habitant au Cameroun atteint à peine 114 euros, environ 75 000 FCFA, la monnaie locale. Dans ce contexte, quatre ans après et, alors que le pays vit de nombreuses

turbulences interne sécuritaires et politiques qui ont fortement entamé ses économies, les populations sont en droit de s’inquiéter de leur avenir sanitaire et vital. La réponse apportée dans la guerre au Covid-19 et dont le nombre victimes s'accroît au quotidien, manque de méthodes fiables, normalisées, capables de gérer la situation de façon optimale.

Les gents avec les masque à le Central Hopital de Yaoundé, capitale du Cameroun
Les gents avec les masque à le Central Hopital de Yaoundé, capitale du Cameroun

S’agissant de la prévention, il faut déplorer que jusqu’ici les populations ignorent ou ne respectent pas les gestes-barrières prônées. Les 13 mesures gouvernementales prises par le Premier Ministre Dion Ngute font montre de mollesse et d’impraticabilité sur le terrain. L à aussi, l’une des causes est la structuration socio-économique du Cameroun, pays dans lequel près de 90% de métiers sont informels , et dans lequel l’exode rural et le désordre urbain sont à classer parmi les autres épidémies sociales.

Pour tenter d’y faire face, l’Etat pense en premier ressort, à s’appuyer sur les Communes locales dont les dirigeant récemment élus, n’ont malheureusement pour la plupart, ni compétence ni expertise affirmée pour gérer une simple crise de paludisme local. La situation actuelle laisse supposer que la prise de conscience du danger tant par le gouvernement que des les populations, les médias y compris, reste encore insuffisante. La discipline citoyenne est mise à mal, l’anarchie dont fait montre la société camerounaise et le bafouement volontaire des codes sécuritaires, le manque de personnel de sécurité dans un contexte de guerre terroriste interne et de vélléités cessionnistes font largement peser la balance vers un probable chao humanitaire.


L’épineuse question du confinement total du pays

Selon les experts, avec le ralentissement des activités et les mesures barrières adoptées par le gouvernement, l’on s’achemine vers une baisse des recettes publiques. Que dire donc du panier de la ménagère, obligée de se confiner pour éviter à la mort? Dans un pays aux structures sociales inexistantes en panne de mesures sociales courageuses, le confinement vu comme stratégie la plus porteuse, va absolument être évitée par le régime en place. Ses effets seront désastreux au bout de quelques jours: Problèmes de ravaitaillement, prise en charge des cas détectés, pénuries de carburant, d’eau et délectricité, anarchisation du transport urbain... La rue ne pourra être contenue, et une forme de résistance sociale pourrrait survenir et favoriser la déstabilisation des institutions et des efforts déjà peu consentis. Le tableau est bien sombre, les risques sont énormes et l’enjeu est de taille.


Des chiffres de contamination qui grimpent...

Le danger pourrait davantage provenir des personnes qualifiées de « porteurs asymptomatiques », lesquels s’avèrent de plus en plus nombreux, véritables vecteurs de la pandémie. Cette semaine, un échantillon de 1000 personnes testées, près de 365 personnes étaient positifs ou à fort potentiel de contamination.

Suivant l’avis de certains experts qui observent que l’évolution des contaminations dans la plupart des pays suit la courbe de l’équation de Verhulst encore connu sous le nom « fonction logistique », il est prévu qu’en fonction des paramètres comportementaux négatifs dûs d’une part à la promiscuité et à la porosité des moeurs et in fine à une délinquance grandissante, et par ailleurs, au regard de l’inéfficacité des moyens de riposte qu’offre l’ Etat, les chiffres de contamination pourraient dépasser ou se stabiliser autour de 10 700 cas,

Si pour l’instant, les chiffres officiels annoncés par le Ministère camerounais de la Santé Publique indiquaient au 04 avril 2020, près de 555 personnes déclarées positives soit 17 guéris et 09 décès, rien ne nous ’indique toutefois, que ce taux de mortalité d’environ 1,62% calculé sur le nombre de cas positifs, restera toujours largement inférieur au taux de guérison lequel avoisine pour le moment 3,5% sur ce même nombre de contamination. En somme et quoi qu’on en dise, ce taux de guérison extrêmement faible.

Le spectre de la banalisation plane sur le Cameroun, et la « maladie chinoise » venue d’ailleurs a suffisamment prouvé si besoin est de le redire, que ce ne seront certainement pas le miel ou le citron encore moins la pharmacopée de grand-mêre qui viendront à bout du monstre. Toutes les opinions infondées venant parfois d’hommes de science qui ont prétendu que le virus ne survivrait pas aux conditions atmosphériques du continent tombent et s’éfondrent pour ne laisser que de plus en plus de doute dans l’esprit collectif. Covid-19 est une maladie ultra contagieuse, son mode de contamination (air et contact) fait d’elle la pandémie la plus meurtrière depuis 1918, alors que la science et la médecine ont fait dénormes progrès.


Nanga Khon un roman qui relaterait une histoire qui revient

Au moment de quitter mon clavier, des sources historiques de notre mémoire rapportent à travers Nanga Khon qu’une une épidémie aurait sévi au Cameroun dans les années 1918, alors sous domination allemande. Le drame est raconté dans un texte publié en langue Bulu par l’un des premiers écrivains Camerounais Jean Louis Njemba Medou (1902-1966). A cette époque-là, une curieuse maladie appelée « grippe chinoise » tua des milliers de Camerounais et décima des villages entiers. Les Allemends instaurèrent le confinement des populations, mais rien n’y fit.

Toujours est-il d’après le chroniqueur, que nos ancêtres trouvèrent un remède qui sauva le reste de la population. Deux herbes assez répandues dans nos villages qu’ils firent bouillir... Le Cameroun fut guéri de la grippe chinoise.

Gardons l’espoir, restons ouverts et réceptifs à la grande sagesse de survie. La science n’a de limite que dans l’esprit de l’humain.


Samuel Brice Tjomb est Chercheur, Correspondant pour l’Afrique de Shan Newspaper


 

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