par Michel Brumelot
A Bougon, petit village au sud des Deux Sèvres, on déterre la protohistoire. Ce n’est pas nouveau: le 2 avril 1840, des promeneurs découvraient six tumulus préhistoriques, cimetières construits attestant une authentique architecture datant du néolithique. «Une des plus anciennes nécropoles au monde», n’hésite pas à affirmer une voix autorisée, le conservateur en chef du musée des Antiquités nationales, Jean Pierre Mohen. Cinq mille ans avant l’ère chrétienne, on se bousculait à Bougon pour construire ces tumulus, dont une dalle de couverture pèse 80 tonnes. Pas moins de 200 figurants actifs, en juillet 1979, ont été requis pour tirer un bloc reposant sur des rondins de bois. Une journée entière pour une centaine de mètres. Mais, résultat concluant : cette expérimentation archéologique filmée par TF1 a prouvé que l’on n’avait pas besoin d’Obélix ou d’extraterrestres pour faire du gigantisme architectural. Mais elle démontrait que, il y a sept millénaires, Bougon rassemblait une population sédentarisée de 2.000 habitants. La méthode musclé, celle qui fit florès en Egypte pour édifier les pyramides, mais aussi beaucoup plus tard (3.200 ans avant J.C) nécessitait une main d’œuvre nombreuse qui avait le sens du sacré. Certains archéologues préférèrent la nouvelle terminologie de « sanctuaire » à celle de nécropole. Une civilisation en marche sur ses pattes arrière : les premiers occupants de ce coin des Deux Sèvres s’élevaient l’âme en enterrant leurs morts. Les six tumulus, contenant 200 squelettes, se sont révélés être une véritable mine de trésors : débris de poteries, parures, pics en bois de cerf, etc. Ces découvertes, inestimables pour retracer la protohistoire témoignent d’une vie sédentaire et de technique d’élevage et d’agriculture à Bougon. Une tranche de civilisation néolithique bien antérieure aux dolmens du Finistère ou à l’Empire sumérien. La plupart des objets sont stockés au donjon de Niort et au Musée des antiquités nationales de Saint Germain en Laye. Quelques squelettes sont mêmes entre les mains de chercheurs à Londres.
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Pour que la nécropole de Bougon, musée naturel, sorte de la léthargie dans laquelle elle est plongée depuis le milieu du XIXe siècle, le propriétaire des lieux – le département – a décidé de frapper un grand coup médiatique : un stand promotionnel, avec une maquette du site en bois massif, des cartes régionales, un film vidéo et des posters sur la nécropole sera installé au 1er salon international des musées et des expositions, du 15 au 20 janvier, au Grand Palais à Paris. Les retombées de cette opération entraîneraient le classement en « Musée de site », selon une jeune architecte deux sèvrienne, Elisabeth Bichon, auteur d’un rapport qui a réveillé l’intérêt du Conseil général pour ces tumulus inexploités touristiquement. Son coup de cœur pour la plus ancienne architecture sacrée au monde débouche sur ce stand au grand palais. Demain si la stratégie marketing pour un «pôle de développement micro-économique et touristique» est appliquée, on verra sans doute la vague estivale des visiteurs déferler sur Bougon. Pour remonter le temps: du futuroscope à … Nécropolis.
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