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Identité culturelle des peuples de l’Afrique de l’Ouest |
17 Décembre 2020 | ||||||||||
Histoire de la fondation de certains royaumes du Bénin
D’abord, protectorat français en 1884, la république du Bénin (ex Dahomey) est devenue ensuite une colonie française à la fin du XIXème siècle, jusqu’en 1960, date de son accès à l’indépendance. Avant de voir ses frontières entièrement délimitées, le territoire de l’actuel Bénin était une région de l’Afrique de l’Ouest, située dans de le golfe de Guinée où l’on retrouvait plusieurs royaumes épars, centrés sur des cités-Etats. De même, le Bénin fut le siège d’anciennes brillantes civilisations construites autour de ces royaumes. Le 1er aout 1960, le Bénin a accédé à l’indépendance sous la dénomination de république du Dahomey, avant de prendre en 1975 son nom actuel république du Bénin. Au rang des royaumes les plus en vue qui furent présents sur le territoire béninois, nous avons d’une part, le royaume de Dahomey (Abomey), le royaume de Hogbonou (Porto-Novo) et le royaume d’Allada dans la partie Sud, étendue jusqu’au Centre. Et d’autre part, dans la partie Nord les royaumes Bariba, avec principalement le royaume de Nikki, le royaume de Kandi et le royaume de Kouandé. Il est notable également de mentionner des royaumes moins importants, mais tout de même influents durant cette période. Il s’agit du royaume Yoruba de Kétou et le royaume de Savalou. La colonisation et l’histoire des royaumes au Bénin Avant l’arrivée du colon, il existait plusieurs royaumes sur le territoire de l’actuel Bénin. Ces derniers sont géographiquement localisés dans la partie Sud, dominée par le royaume de Dahomey et dans la partie Nord du pays, par les royaumes Bariba. Les principaux royaumes situés dans le Sud : Allada, Abomey et Porto-Novo furent créés par les Fons, respectivement au XVIè siècle, en 1625, et au XVIIè siècle. Ces royaumes étaient bien structurés et pourvus de centres urbains fonctionnels. Durant le XVIIème siècle, les royaumes du Sud ont réussi à développer un commerce local, axé, entre autres, sur la traite des esclaves et sur l’agriculture, notamment la culture du palmier à huile en 1807, après l’abolition du commerce négrier. Cette économie de traite a favorisé l’installation de comptoirs commerciaux contrôlés par les Français, les Anglais, les Portugais et les Danois. La partie Sud et une partie du centre du pays suivirent le destin des peuples du golfe de Guinée tandis que le Nord, frontalier du Niger et du Burkina Faso, subissait celui des peuples de la savane. Ainsi, le royaume Bariba au Nord a atteint son apogée au XVIIIè siècle puis a dû faire face, affaibli par les divisions internes à l’expansionnisme du royaume nigérian d’Ilorin, et à la colonisation française.
Le royaume de Dahomey (Abomey) Au début du XVIè siècle, les différents récits racontent que les Adjas quittèrent la ville de Tado, située sur les rives du Mono au Togo pour s’établir à Savè et à Allada, dans le Sud de l’actuel Bénin. Au XVII è siècle, une querelle éclate parmi les princes du royaume d’Allada et aboutira à la formation du royaume d’Adjatchè, qui deviendra plus tard Hogbonou (Royaume de Porto-Novo), au Sud-Est, et plus au Nord, à partir d’Abomey(considérée comme capitale du royaume) sous la direction de Houégbadja (1645-1689). Grâce à la traite négrière, le royaume de Dahomey deviendra la puissance dominante de la région grâce au rôle d’intermédiaire joué par le royaume, avec en tête ses différents rois, avec les comptoirs européens de la côte. Toutefois, avant cette dimension que l’on connaît du royaume de Dahomey, le royaume se limitait uniquement au plateau d’Abomey. Le premier roi du Dahomey, Houégbadja (1645-1689) établit les premières bases légales et les grands principes de fonctionnement du royaume à travers les règles de succession, les missions diplomatiques et politiques des souverains et les types de rapport à maintenir avec les royaumes environnants. On doit les premières extensions du royaume d’Abomey au roi Agadja (1708-1740) ; En effet, au XVIIIè siècle le roi Agadja étend les frontières du Dahomey jusqu’à la côte atlantique en conquérant successivement les royaumes d’Allada et de Savi(Ouidah). Grâce à ces précieuses conquêtes, le royaume de Dahomey participe désormais pleinement et directement au commerce négrier par le port de Ouidah, capitale de Savi. Durant cette époque, le royaume d’Abomey était alors vassal, du puissant Empire Yoruba d’Oyo du Nigeria voisin, auquel il payait un lourd tribut annuel, comme la plupart des royaumes environnants. Ce n’est qu’en 1851, que le roi Ghézo (1818-1858), devenu roi, grâce à un coup d’état en 1818, affranchir le royaume de cette situation de vassal. Durant cette période, le roi Ghézo donna d’autres fondements à la richesse de son royaume en développant notamment la culture du palmier à l’huile afin de répondre à la demande européenne et en introduisant de nouvelles cultures telles que l’arachide, le maïs, la tomate et le tabac dans le royaume. Sous le roi Ghézo, le royaume de Dahomey était riche et prospère en plus d’être craint. Car le roi Ghézo a développé une armée redoutable et impitoyable : celle des amazones guerrières du Dahomey. Après sa mort en 1858, c’est son fils Badohoun qui prit le nom de règne de Glèlè, et lui succéda. Il régna de 1858 à 1889. Le roi Glèlè durant son règne, mena des expéditions militaires, dans le but de venger la mort de son père, d’agrandir le royaume mais aussi de capturer des esclaves. Cette politique va considérablement fragiliser le royaume et l’interne. Le 19 mai 1868, le roi Glèlè signe un traité avec les français. Ce dernier fait objet de la cession de Cotonou à la France. Il mourut le 29 décembre1889 et fut remplacé par son fils le prince Kondo qui prit le nom de règne de Béhanzin. Malgré la farouche résistance à la France, du roi Béhanzin (1889-1894), le royaume perd son indépendance et se dissout dans la colonie française du Dahomey. Le roi Béhanzin mourra en exil en Algérie à Blida, d’une pneumonie en 1906.
Le royaume de Hogbonou (Porto-Novo) Tout comme le royaume d’Abomey, les premiers souverains d’Adjatchè, devenue plus tard Hogbonou, sont issus de la migration Adja-Fon, venue du Togo voisin (Tado) au début du XVIè siècle. Le fondateur du royaume de HogbonouTê-Agbanlin serait l’aîné de la fratrie constituée de Medji le cadet, resté à Allada à la mort de leur père après une violente dispute, et Dako-Donou, père du futur fondateur de Dahomey. Arrivé à Adjatchè après un long périple, il fut mal accuilli par les Yorubas. Vexé, Tê-Agbanlin alla alors chercher le Zangbéto ou « Gardiens de la nuit », qui est un esprit vaudou, chargé de veiller sur le sommeil des habitants et d’éloigner, mauvais esprits et voleurs. A la vue de ce dernier, les Yorubas prirent la fuite selon la légende. Ceux qui restèrent ont prêté allégeance à Tê-Agbanlin qui régnera durant 41 ans sur le royaume. Ses enfants devinrent par la suite les princes de ce royaume qui deviendra plus tard Porto-Novo (Nouveau Porto), nommée ainsi en 1730, par les Portugais Eucaristo de Campos, en référence à la ressemblance qu’il lui prête avec la ville de Porto. Vers la fin du XVIIIè siècle, les Portugais constituèrent, à partir du royaume d’Adjatchè, le royaume négrier de Porto-Novo. Rattaché à la base au puissant royaume de Dahomey, le royaume de Porto-Novo, a commencé par s’en détacher au début du XVIIIè siècle. En 1851, la France signa un traité commercial et d’amitié avec le roi de Porto-Novo. En 1883, ce dernier, souhaitant se protéger des visées expansionnistes du roi de Dahomey, signa un traité de protectorat avec la France. La rupture avec le Dahomey était consommée. Quelques années plus tard, Porto-Novo fut conquis par les français sans partage. Le royaume d’Allada Le mythe raconte que le fondateur du royaume d’Allada, comme les royaumes de Hogbonou et de Dahomey était originaire du royaume Adja de Tado. Régicide du roi local d’alors, Adjahouto (qui signifie littéralement l’assassin d’adja), est devenu un fugitif qui a fini par conquérir tout le royaume d’Allada. Le royaume d’Allada fut l’un des premiers royaumes de l’Afrique de l’Ouest à entrer en contact avec les européens. Les premiers contacts furent avec les missionnaires. Ce contact s’est d’ailleurs matérialisé par la langue du royaume : le “ayizo”, qui devint la première langue ouest-africaine écrite dans un texte avec des caractères latins en 1658.
Avec le roi d’Allada, qui était parfaitement lusophone en 1670, la majorité de la population d’Allada, les ayizo s’exprimaient couramment en portugais qui fut la première langue de communication entre les européens et les autochtones. A la fin du XVIIè siècle, fort d’une belle realtion avec les européens, plusieurs ambassadeurs du royaume furent en France, afin de rencontrer le roi Louis XVI. En 1724, le roi Sozo d’Allada fut victime d’une invasion par le voisin du Dahomey. Déjà affaibli par les divisions internes et par une expédition punitive du puissant empire d’Oyo du Nigéria, le royaume s’inclina très lourdement en 1724. Le royaume de Dahomey, par son roi Agadja, y déplaça sa capitale en créant une nouvelle du nom de Allada. Malgré le fait que le successeur du roi Agadja, Tégbéssou (1732-1774), l’abandonne pour Abomey à nouveau, Allada est resté le pôle fondamental de la royauté au Dahomey. Désormais tous les futurs rois s’y feront couronner et la considéront comme étant pilier de la dynastie royale dahoméenne. Le royaume de Kétou Situé au Sud-Est du Bénin et à l’extreme Nord du département du plateau, le royaume de Kétou été fondé par le Edé. D’après les récits historiques, la date de la fondation du royaume de Kétou n’est pas précise. Certains évoquent le XIè siècle, d’autres le Xè siècle et enfin une dernière catégorie d’historiens affirment qu’il serait bâti au XIVè siècle. Il n’existe aucune date exacte concernant l’édification de la ville de Kétou à ce jour. Autrefois, Kétou était le siège d’un ancien royaume Yoruba. Ce dernier puise ses origines dans la vieille cité d’Ilé-Ifè qui se trouve au Sud-ouest du Nigéria. D’après l’histoire, juste après sa mort, l’empereur Oduduwa laissa derrière lui sept petits-enfants et sept princesses. Parmi eux, il y avait une deuxième enfant reconnue comme princesse, qui devint la mère d’Alaketu. Ce dernier fut devenu l’ancêtre du peuple de Kétou. Le royaume de Savalou Le royaume de Savalou fut fondé au début du XVIIè siècle par le roi SohaGbaguidi 1er. Le royaume de Savalou s’étendait sur un territoire correspondant approximativement à la moitié Ouest du département des Collines, au centre de l’actuelle république du Bénin, comprenant la ville de Savalou. Au total, quatre régents et sept rois ont succédé à SohaGbaguidi 1er sur le trône de Savalou jusqu’à la mise du royaume, au début du XXè siècle sous protectorat français par ZoundéglaGbaguidi VIII. Depuis lors, des « chefs » se succèdent sur le trône avec l’aval du pouvoir colonial puis par consensus au sein des notables de la ville. Le royaume de Kouandé Le royaume de Kouandé est situé au Nord de l’actuel Bénin. Il fut fondé par WorouWari, le fils d’un prince Bariba chassé de Nikki. Le royaume de Kouandé a réussi à assujettir pratiquement tous les peuples de l’Atakora. Après l’occupation des français, de la ville de Kouandé, WorouWari fut chassé de sa cité par les colons français et fini par s’empoisonner. Aujourd’hui le royaume de Kouandé est un véritable centre historique des Bariba, installés dans la région depuis le XVIIIè siècle.
Le royaume de Nikki Le royaume de Nikki est situé au Nord-Est du Bénin dans le département du Borgou. Le royaume de Nikki a été fondé entre le XVè et le XVIIè siècle par le roi Simè. Le royaume de Nikki fut le plus important des royaumes qui composaient le Borgou. Entouré par le Niger et le royaume de Sokoto au Nord, et au Sud-Est par le Dahomey, le royaume de Nikki fut exploré pour la première fois par les frères Larder, qui furent les premiers Eurpéens qui eurent explorés le cours inférieur du fleuve Niger (1830). Ces derniers parlèrent de Nikki comme étant un royaume très organisé doté d’une armé très forte et surtout très disciplinée. Les villes qui composaient le royaume de Nikki sont nombreuses à savoir Nikki, qui était la capitale, Bembérèkè, N’Dali, Kalalé, Banikoara, Sinendé, Kandi, Gogounou, Kérou, Wassa-Pehunco, Kouandé, Tchaourou, Parakou et Ségbana. A la fin du XIXè siècle, le royaume de Nikki fut l’objet d’une dispute entre deux puissances coloniales : la France et l’Angleterre. D’une part, la France fondait ses réclamations sur l’occupation effective de la ville par ses troupes et sur un traité conclu avec le roi de Nikki. D’autres part, l’Angleterre réclamait le royaume de Nikki, au nom de traités antérieurs conclus également avec le roi de Nikki. Finalement, par la convention franco-anglaise de 1898, le royaume de Nikki se retrouva placé dans la sphère d’influence française. Le royaume de Kandi Au départ simple ville, faisant partie intégrante du royaume de Nikki, Kandi est devenu un royaume sous la menace permanente et perpétuelle que représentaient pour la région des guerriers Peuls et surtout Dendi, qui au XVIè siècle, arrivaient du Nord par la Vallée du Niger et rançonnaient la population. Fatigués de ces attaques incessantes, les habitants de la région demandent la protection du royaume de Nikki. Et c’est ainsi que, à la suite d’une expédition, Saka Bakou, fils du roi de Nikki, finit par s’installer à Kandi en tant que roi. Aujourd’hui encore, le royaume est placé sous l’autorité de Nikki. Ange Yvon HOUNKONNOU, Aumônier Ouest Africain de l’écospiritualité, Président de la Ecospirituality Foundation Benin et Correspondant de l’Afrique pour Shan Newspaper |