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Comment les Peuples Natifs de Ngog Lituba expliquent-ils l’origine de l’humanite?

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24 Décembre 2011


Le récit chrétien de la Genèse de «l’humanité» est souvent au centre de la controverse scientifique et historique. La recherche de vérité passionne l’esprit humain et c’est peu de dire qu’elle nourrit régulièrement le débat contradictoire qui oppose scientifiques et théologiens. Depuis les célèbres travaux de Copernic et de Galilée formulés autour de l’héliocentrisme jusqu’aux plus récents en date, entrepris dans les domaines fort complexes de l’astrodynamique et de la physique quantique, des efforts ont été réalisés par ces adeptes du cartésianisme, avec l’intention avérée de prouver ou de réfuter la véracité du récit biblique.

De par la haute qualité de leurs recherches, les scientifiques nous démontrent que la Genèse est contestable à l’analyse de faits. Cette bataille conventionnelle qui répond au mode logique occidental ne laisse généralement pas de place à l’expression d’autres contributions, du fait du formalisme précité, et parfois hélas, par simple mépris des valeurs civilisatrices des autres peuples de la planète.


Pourtant, il est de plus en plus démontré que d’autres sources sont une sérieuse contribution au progrès de notre société actuelle. Me fondant sur cette base, il est important d’élargir ce débat aux conceptions du monde telles qu’exprimées dans les sociétés dites «primitives», c’est-à-dire celles des peuples naturels.

En effet, tout débat sérieux qui porte sur la Genèse et l’origine de notre espèce exige de confronter et d’interpréter diverses sources et concepts, puis de les soumettre à la lumière de l’esprit analytique de l’état actuel de notre degré de philosophie et de cognition globale, issue de notre passé d’homos sapiens.

De fait, à côté de la «version officielle» imposée par l’orthodoxie chrétienne, existent des versions compétitives dignes d’intérêt et détenues par les peuples naturels ; dont le rapport harmonieux avec la nature- qui existe depuis plusieurs millions d’années- se fonde sur des archétypes et des faits palpables et interprétables, puisés dans le creuset du savoir ancestral.

Dans la Bible, la Genèse est décrite par Moïse. D’emblée on observe qu’il s’agit d’une chronologie: le texte débute ainsi : «Au commencement». D’après la chronologie biblique, Yahvé créa l’homme le sixième jour. La différenciation des sexes ante ou postérieure au drame du jardin d’Eden donne au lecteur à comprendre que les premiers hommes n’étaient pas androgynes. Le récit mentionne qu’Adam (Ish-l’homme) et Eve (Isha-la femme) procréèrent plus tard. Ils furent donc probablement créés biologiquement différents.

Parallèlement, la science moderne soutient que l’apparition de l’homme sur Terre s’est faite aux environs de 450 000 av-JC, c’est-à-dire peu après la disparition des dinosaures. Shirley Andrew, l’auteur de l’Atlantide, situe chronologiquement cette période à celle de la probable descente des extra-terrestres humanoïdes, probablement désignés comme tels, à cause de leurs formes corporelles différentes de celle de l’homo sapiens qui habite notre planète.

Dans tous les livres sacrés, la Genèse occupe une place importante, principalement pour les religions grandes mondiales et avec raison, étant donné que les théologies se construisent autour du drame édénique. Par ailleurs, il semble important de souligner que les sources historiques des grandes religions mondiales proviennent de Moïse. Ceci est d’autant plus compréhensible qu’en général, les trois grandes religions monothéistes se réclament de la même personne: Dans le judaïsme il est Appelé MOSHEH, MOÏSE pour le christianisme et MUSSA dans l’islam.

Cependant, quoique que l’unicité des sources prévale pour les grandes religions, il n’en demeure pas moins que les controverses scientifiques et les débats d’historiens élaborés autour de la véracité dudit récit posent problème. Pour ces religions détentrices de la forme culturelle de la majorité des Hommes, il s’agit de situer l’origine du monde et celle de l’homme à partir d’un point inaccessible à la compréhension humaine. Genèse serait-elle un mythe créateur qui s’enracine dans une chronologie inaccessible? Toujours semble-t-il que derrière le récit, transparaît l’idée obsessionnelle de fonder une croyance universelle dominante.


Mais, que vaut l’universalité humaine si elle n’intègre pas les autres composantes de l’humanité ? A tout point de vue, il semble suspect de continuer à s’obstiner à faire croire que la vérité sur l’histoire de notre origine est une exclusivité des peuples civilisés. Trouver les réponses à une question universelle implique de considérer les points de vues des autres peuples. En revanche, l’analyse de l’interprétation que les peuples naturels en général et ceux de Ngog Lituba en particulier font des origines de leur filiation humaine et de la période au cours de laquelle ils situent les origines du monde pourrait être une contribution au débat sur notre origine.

En effet, les peuples naturels situent eux aussi les origines de notre espèce en des temps immémoriaux. Ils et empruntent des codes de langage et des expressions savamment usitée par les anciens, leur servant de lien entre le présent et le passé, mais aussi entre le passé et l’avenir. Le terme «yani» utilisé dans la chronologie Bassa’a de Ngog Lituba en est un exemple:


1-Chez le Bassa’a, «Yani» veut dire en même temps hier et demain, puisque l’instant présent n’existe pas en réalité. Chaque seconde nous plonge soit dans le passé, soit dans l’avenir. Chez les peuples natifs de Ngog Lituba, la maîtrise de la chronologie est très importante, c’est à partir d’elle qu’il lui est possible d’évoquer ses origines.


2-Le Bassa’a évoque ses origines lointaines par le terme «i ngeda koba ni kwan».


«I ngeda» exprime une temporalité à la fois abstractive et concrète, employée à divers niveaux de langue, selon qu’on veut évoquer une date, un lieu ou une histoire. Le terme «i ngeda» veut couramment dire «quand». Ceci implique à la fois un lieu et une période précise ou imprécise.

«Koba ni kwan» sont deux termes antagonistes qui désignent pourtant une seule et même réalité: le temps, ce qui est ancien, ou bien ce qui est vieux. C’est ainsi qu’il faudrait comprendre l’expression «a bi kè koba» (il est parti depuis long/temps), à une époque immesurable qui échappe à toute datation.il y a donc chez les natifs de Ngog Lituba une sorte de précision qui démontre leur maîtrise chronologique.

Le terme «koba» signifie « longtemps », mais fait aussi allusion à la distance. Il évoque l’étendue de la dimension environnementale. En même temps, il renvoie à une forme d’évolution sans limite, à une succession dynamique qui indique que l’homme a vécu depuis des millionss d’années dans un environnement qui n’a ni début, ni fin.


Avec ces indices de lecture, il est possible de rapprocher les deux expressions et de les juxtaposer. De cette manière, ils condensent la vision cosmologique et révèlent la sagesse des natifs de Ngog Lituba. L’expression «i ngeda koba ni kwan» cesse de signifier au sens littéral «il y a très long /temps». Cette locution visait à mettre en exergue trois niveaux de langue, qui montrent la difficulté de datation due à l’élasticité du temps sur les souvenirs. Cette difficulté est considérée non pas comme la preuve de la faiblesse culturelle des natifs de Ngog Lituba dont les valeurs cosmologiques nécessaires a l’interprétation du monde et à sa transmission sont de type oral et non scriptural.

L’on devrait comprendre l’imprécision chronologique comme preuve des limites de l’entreprise humaine quant à situer avec exactitude l’origine de la création. En nous référant au récit biblique, on assimile le terme« i ngeda koba ni kwan» à celui d’ «au commencement» employé par le patriarche Moïse.

La parenté d’esprit qui se dissimule à travers ces deux expressions Soulève plusieurs types interrogations portant entre autres, sur la nature des influences qui apparaissent en toile de fonds dans la similitude des deux expressions. Identifié comme fils d’Amran et de Yokèbed, nous savons d’après les sources historiques crédibles que le patriarche Moïse est né à Goshen, qu’il fut recueilli et sauvé des eaux par la fille du pharaon qui prit pitié de lui, l’adopta et l’éleva comme un prince. L’histoire de Moïse se situe dans l’Égypte ancienne dont la datation remonte au XIIIe siècle av. J.- Le prophète et législateur hébreux aurait appartenu à la tribu des Lévi, l’une des douze tribus qui ont migré en Égypte probablement aux alentours du XVIIe siècle av. J.-C.

On peut ainsi estimer les influences subies à travers son éducation égyptienne même si elles demeurent floues, indiquent néanmoins que l’auteur de la Genèse aurait gardé l’essentiel de la spiritualité égyptienne d’inspiration monothéiste, puisqu’élevé dans la pure tradition pharaonique. En même temps, sa conception de la genèse confirme au moins une quelconque similarité se rapportant à l’interprétation que les peuples natifs de Ngog Lituba font des origines de l’univers et de l’homme. Les deux expressions qui sont des prologues aux mythes de la création sont presque parents et tendent à indiquer l’influence de la culture monothéiste de l’Egypte ancienne, souche à laquelle se réclament les peuples natifs de Ngog Lituba, qui seraient parvenus en ces terres il y a plusieurs siècles après de longues lointaines migrations dont les origines remonteraient à la Haute-Égypte.

Comme toute culture d’essence spirituelle, le Mbock des Bassa est une religion ancestrale des origines du monde. Mbock signifie avant tout « cosmos », étude des lois naturelles et des principes moraux qui s’en dégagent, comme c’est le cas avec Mâât en Egypte pharaonique. Considérant que toute religions fonde son mythe créateur autour de la dimension surnaturelle de l’homme, et d’une mystique qui naît de l’interprétation des archétypes et des codes qui servent à véhiculer la nature du rapport que le peuple entretient avec le transcendant, on pourrait comprendre différemment l’expression «i ngeda koba ni kwan», selon les niveaux d’interprétation et les degrés d’initiation aux arcanes traditionnels.

Le mythe fondateur de la culture des peuples qui prennent leurs racines à Ngog Lituba affirme que nous serions arrivés à Ngog Lituba «i ngeda koba ni kwan», en d’autres termes, que par l’orifice du monde.


En effet, le terme « Ngog » signifie au sens littéral « la pierre », mais peut aussi être interprété comme étant météorite à partir duquel l’homme serait arrivé sur terre. Il peut également renvoyer à la notion égyptienne de barque solaire ou au terme plus moderne de soucoupe volante ayant servi au voyage inter planétaire de l’homme.

Lituba quant à elle, est une expression aussi vaste que le serait le terme Ngog. Il renvoie à un trou, par lequel l’on entre, un abri que l’on trouve pour fuir l’ennemi. Cette première explication justifie en partie l’histoire de l’ancêtre Mbang qui se refugia dans une grotte pour fuir ses assaillants, aidé par Ngambi l’araignée qui tissa sa toile à l’entrée de la grotte pour détourner les poursuivants. En même temps, il pourrait aussi bien s’agir de l’orifice du monde, de la matrice naturelle grâce à laquelle l’homme a pu faire son apparition sur terre.

D’un autre côté, on pourrait aussi assimiler le terme Ngog Lituba à celui de la rota forata des cultures des peuples naturels de la planète ; la pierre percée qui est l’un des plus anciens mythes de la création des natifs européens. Dans tous les cas, il s’agit d’exprimer l’idée d’un cheminement ou d’un point d’accès à une autre dimension en partant d’un trou, d’un orifice ou d’une matrice. On peut dire que dans la plupart des mythes relatant l’origine du monde, le mystère se fonde autour d’un orifice ou d’une matière physique ou sidérale telle la poussière dont Moïse fait allusion dans la Bible.

D’après de nombreux chercheurs dont les travaux sont de plus en plus portés sur l’ethnogenèse des cultures des peuples se réclamant de Ngog Lituba et au rang desquels ceux de nombreux prélats catholiques de culture Bassa’a, le terme « Koba ni Kwan » renverrait aux deux archétypes primordiaux qui ont singularisé les sexes et qu’on pourrait comparer aux deux premiers hommes de la Bible : Adam et Eve.

«I ngeda koba ni kwan», on pourrait également être traduit par: «à l’époque de Koba et Kwan», deux entités humaines (?) distinctes qui pourraient être identifiées d’après les principes éthiques de la procréation, comme étant les premiers hommes sur Terre, ou deux principes, pour emprunter la philosophie taoïste du Yin et du Yang. On peut également assimiler cette allusion à deux entités physiques fusionnelles, à partir desquelles il a été possible de créer le genre humain.

Bien entendu, il n’est pas exclu que « Koba » et « Kwan » soient deux individus ayant suivi un cycle progressif normal à l’instar de celui que défendent les scientifiques adeptes des théories évolutionnistes, cela en raison du fait que l’Afrique est le berceau de l’humanité. Dans tous les cas, nous avons seulement voulu démontrer que la conception des origines du monde est aussi vieille l’apparition de l’Homme sur Terre et par conséquent la justesse de celle-ci n'appartient pas stricto sensu à une religion quelconque qui devrait se targuer d’en détenir le monopole.



Samuel Brice Tjomb est Ecrivain, Poète et Chercheur - Correspondant pour l’Afrique de Shan Newspaper